A plusieurs reprises, Michel Rein a eu l'amabilité de me recevoir que ce soit pour mes multiples candidatures ou pour mon mémoire. Autour d'un café, nous avons discuté des stratégies d'attraction mises en place pour attirer et fidéliser un collectionneur. Après une telle discussion, je me suis rendue compte à quel point la transmission est essentielle. On réduit souvent l'apprentissage à ce que l'on aura retenu de tel ou tel livre. Pourtant, rencontrer et échanger avec des professionnels me parait être la meilleure manière d’appréhender notre vie professionnelle...
Celui qui a formalisé ma profession de galeriste, c’est Alain Julien-Laferrière, directeur du CCC à Tours (Centre de création contemporaine), il souhaitait emprunter des œuvres de ma collection pour une exposition. Nous avons beaucoup sympathisé et il m’a convaincu qu’il fallait ouvrir une galerie, alors que j’aurais plutôt aimé être conseiller mais apparemment, le monde des conseillers d’art était saturé. Il m’a convaincu de m’installer à Tours. cela m’a permis d’avoir une identité forte et d’être très vite identifié par le milieu professionnel et le marché.. L’année qui a suivi l’ouverture de la galerie, je suis rentré à la FIAC (1993) à laquelle je participe encore. ARTE LAB : Est-ce que vous avez remarqué un changement dans le profil du collectionneur ? M.R : Le profil du collectionneur s’est modifié, en bien finalement, on a beaucoup formé les collectionneurs à l’art contemporain et je pense que c’est plutôt une réussite. Il y’avait très peu de collectionneurs à l’époque à la différence d’aujourd’hui. C’étaient des gens passionnés par l’art, ils pensaient que c’était formidable d’accompagner les artistes, il n’y avait pas d’idée de statut social ou d’appartenance à un club élitiste, on prenait les collectionneurs pour des fous. Des collectionneurs à Tours me racontaient qu’ils cachaient leurs œuvres lors des dîners avec leurs amis, ils voulaient éviter les discussions du genre : " Mon fils en fait autant…." ARTE LAB : Pourquoi avoir voulu s’installer en Belgique ? M.R : On a choisi de faire une galerie qui soit la plus belge possible, avec en majorité notre portefeuille d’artistes même s’il y’a d’autres artistes qui ont rejoint la galerie par la suite. ARTE LAB : Les expatriés font-ils partie de votre clientèle ? M.R : On travaille avec les expatriés mais ça n’a pas du tout été ma première motivation, je voulais travailler avec des belges et m’ouvrir à des collectionneurs curieux et actifs. Bruxelles est une plaque tournante de l’art contemporain. C’est un lieu où passent beaucoup de gens. L’art contemporain que nous connaissons aujourd’hui s’est constitué entre Paris, Bruxelles, Anvers, Cologne, Düsseldorf ou Eindhoven. Avec New York, c’est le berceau de l’art contemporain occidental. Bruxelles me permettait de retrouver ces collectionneurs qu’on voit peu à Paris. La situation économique de la ville permet également aux artistes de s’y installer et développer leur audience à l’international. HJ : En termes de fiscalité, Bruxelles a ses avantages, non ? M.R : C’est à peu près la même chose qu’en France mis à part la transmission des œuvres qui se fait plus facilement en cas d’héritage. Les donations d’œuvres sont beaucoup plus faciles. "Je n’ai pas de ligne artistique, ce sont les partis politiques qui ont une ligne. Cependant, on aime beaucoup la poésie et la politique, j’aime les œuvres des artistes qui s’interrogent sur les réalités du monde tout avec une distance et un langage qui nous mènent ailleurs…" ARTE LAB : Votre clientèle est-elle majoritairement masculine ou féminine ? MR : Mes collectionneurs viennent souvent en couple et achètent donc ensemble. ARTE LAB : Votre galerie a-t-elle une ligne artistique ? MR : Je n’ai pas de ligne artistique, ce sont les partis politiques qui ont une ligne. Cependant, on aime beaucoup la poésie et la politique, j’aime les œuvres des artistes qui s’interrogent sur les réalités du monde tout avec une distance et un langage qui nous mènent ailleurs… ARTE LAB : Certains galeristes mettent la fidélisation du collectionneur en premier plan et semblent oublier l’acquisition de nouveaux collectionneurs, qu’en pensez-vous ? MR : Les deux actions sont primordiales. Nous travaillons sur du long terme avec des collectionneurs fidèles, toute notre expérience de galerie s’est faite avec des collectionneurs qu’on a gardés. Effectivement à un moment donné, les collectionneurs vieillissent ou passent à autre chose ou à un autre galeriste, c’est là où rencontrer de nouveaux collectionneurs entre en jeu. Auparavant, les collectionneurs achetaient auprès d’un ou deux marchands, aujourd’hui, c’est plus difficile, voire impossible d’avoir une relation exclusive avec un galeriste. C’est devenu primordial de renouveler sa clientèle. Le marché de l’art est en constante mutation et il y a continuellement des nouveaux arrivants. La directrice de la galerie gère très bien cette partie-là, elle est jeune et permet de rajeunir notre réseau de collectionneurs. ARTE LAB : Qui exposez-vous en ce moment ? MR : Nous exposons actuellement les œuvres de Michele Ciaccofera et les vidéos d'Ariane Loze, le vernissage a eu lieu ce samedi 9 février. MICHELLE CIACCOFERA "Le travail de Ciacciofera est à la fois ancré dans le monde humain et naturel. Usant de nombreux médiums tels que la sculpture, la peinture, le dessin, le son, la vidéo et l’installation, jusqu’aux scénographies pour le théâtre, il les combine librement dans une exploration tournée à la fois vers la nature, l’anthropologie, l’histoire, les mythologies et la politique. Dans The Density of the Transparent Wind, 2017, une œuvre sonore présentée la Documenta 14 à Athènes et Kassel (Every Time a Ear di Soun), il s’intéressait ainsi à la Méditerranée et à la manière dont cette aire définit et forge des expériences humaines, des frontières et des formes sociales spécifiques. En 2016, pour son installation Janas Code présentée la 57ème Biennale d’art de Venise Viva Arte Viva il associait un ensemble d’œuvres en céramiques, de fossiles, de dessins et de nids-d’abeille à de vieilles tables, ainsi qu’à des tapisseries et divers matériaux trouvés. Cette œuvre constitue une reconstruction mentale personnelle d’un site archéologique lié aux structures funéraires néolithiques qu’il a longuement étudiées en Sardaigne. Ciacciofera les relie à la légende populaire qui en fait des maisons pour les fées, évoquant des pratiques shamaniques magiques, aujourd’hui transmise seulement à travers l’art et la littérature. Mu par une réflexion et une recherche constante à partir de nombreuses sources, Ciacciofera est d’abord et avant tout concerné par le sujet et la narration, tout comme par le sentiment qu’il souhaite faire émerger à travers les matériaux. Il s’appuie constamment sur sa formation en sciences politiques, sur son intérêt envers l’anthropologie, l’archéologie, les questions environnementales et son obsession pour la mémoire individuelle et collective, pour matérialiser des expériences poétiques." ARIANE LOZE "Dans ses vidéo-performances, Ariane Loze procède à une méthodique déconstruction des normes du cinéma pour ramener les structures de ses films à leur minimum opérant. Alliant l’expression conceptuelle à une réalisation home-made, son esthétique post-minimaliste vise une sorte de degré zéro de la représentation, soutenue par une ligne narrative de base immédiatement lisible et une action unique, elle-même filmée en plans fixes (un dîner, une rencontre, une poursuite, une errance...). Réunies au sein du projet MÔWN (Movies on my own), les vidéos sont également produites en complète autonomie, Ariane Loze étant non seulement réalisatrice, scénariste, monteuse, costumière, régisseuse son et lumière, mais encore, sauf exception, interprète de tous les personnages. En résonance immédiate avec l’épure des décors et la fixité du cadrage, cette économie de moyens porte alors l’accent sur l’interprétation de rôles caractérisés, l’incongruité de leurs situations et la dérision critique de leurs propos, questionnant les préjugés, les codes et les assignations auxquels ils répondent. Saynètes absurdes de la vie sociale ou allégories de la vie psychique, ces micro-fictions prennent place dans un monde dystopique, le plus souvent désaffecté, dans lequel les protagonistes, en situation de crise, s’interrogent, cherchent une issue ou se confient. Portant un regard incrédule sur les hégémonies sociales, économiques et culturelles qui ordonnent le monde contemporain, Ariane Loze pose ainsi un diagnostic sur la vanité globale qui s’y exprime, en suscitant chez le public un regard distancié, aussi amusé que critique." Galerie Michel REIN 42 Rue de Turenne, 75003, PARIS http://michelrein.com Hannah Jeudy
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